Les contrats des entreprises Thychlof et Hysacam, engagées dans les prestations de ramassage des ordures dans la ville de Yaoundé par la Communauté urbaine, sont arrivés à expiration depuis le 31 décembre 2023. Quatre mois plus tard, malgré l’alerte du Président de la République, Paul Biya, dans son message à la nation le 31 décembre 2023, on assiste jusqu’à présent à un jeu de ping-pong, entre la Communauté urbaine de Yaoundé et le Ministère des Marchés publics. Plusieurs Dossiers d’appel d’offre (DAO) proposés, sont rejetés. Et les contrats ne sont toujours pas renouvelés.
Face à cette situation, on peut donc constater que, c’est dans un esprit de patriotisme que ces entreprises citoyennes, Hysacam et Thychlof, poursuivent encore leurs prestations dans la ville de Yaoundé, depuis le 31 décembre 2023, alors même que leurs contrats peinent à être renouvelés. En attendant ces précieux sésames, un premier ordre de service de prorogation de délais, sur 3 mois, leur a été adressé par la Communauté urbaine de Yaoundé, en janvier 2024. Malheureusement, celui-ci est arrivé à expiration, lui aussi, le 31 Mars 2024, sans que les appels d’offre ne soient lancés. Puis, un second ordre de service de 3 mois supplémentaires, vient encore se rajouter à cette longue attente, qui commence déjà à inquiéter ces prestataires, mobilisés sur le terrain de jour comme de nuit, sans paiements. Une inquiétude légitime, au regard de la complexité dans les procédures de régularisation financière de ce type de prestations hors contrats, compte tenu des exigences du code des marchés publics en vigueur au Cameroun.
Faible taux de collecte des déchets
En effet, au-delà de cette problématique d’expiration des contrats, il y a que, la Communauté urbaine entend améliorer la qualité des prestations en revoyant à la hausse, soit à 80%, le taux de collecte des ordures ménagères dans la ville de Yaoundé, afin de réduire les immondices, conformément aux très hautes instructions présidentielles. Selon le Dr. Marie-Solange Mbang épse Efon, Directeur de l’urbanisme, de l’architecture et du cadre de vie, à la Communauté urbaine de Yaoundé : « Les contrats signés il y a cinq ans, en 2018, prévoyaient en volume, la collecte de 1200 tonnes de déchets par jour ; alors même que à cette époque-là, le volume des déchets produit quotidiennement dans la ville de Yaoundé tournait déjà autour de 2300 tonnes. Aujourd’hui, nous sommes autour de 2600 tonnes par jour. Or, les deux opérateurs chargés de l’enlèvement de ces ordures dans la ville de Yaoundé ne collectent que 1200 tonnes par jour, conformément à leurs contrats. Le reste de ces déchets hors contrats, restent bien dans les rues. D’où l’état d’insalubrité que nous observons dans la ville aujourd’hui. Nous devons donc remédier à cette situation ».
Problème de financements
Avec ce taux de collecte et de ramassage des déchets, inférieur à 50%, on comprend alors pourquoi les tas de poubelles, non pris en compte dans les contrats des entreprises Hysacam et Thychlof, inondent les abords des rues de la cité capitale. Ainsi, Dr. Marie-Solange Mbang, rajoute que : « Si nous voulons que Yaoundé soit propre, il faut augmenter l’enveloppe financière allouée à la gestion des déchets. A l’époque, en 2019, lorsqu’on signait les derniers contrats qui sont arrivés aujourd’hui à expiration, l’enveloppe cumulée de l’Etat et de la communauté urbaine tournait autour de 5 milliards de FCFA par an, pour le ramassage des déchets, pour un taux de collecte de moins de 50% seulement. Aujourd’hui, s’il faut relever ce taux de collecte des ordures à 80% dans la ville de Yaoundé, il faudrait mettre à disposition 15 milliards de FCFA, selon une évaluation de la Banque mondiale ».
Du coté du Ministère de l’Habitat et du développement urbain, un responsable nous confie que : « la gestion durable des ordures dans une ville nécessite de gros financements, qui peuvent être supportés à la fois par les ménages, les collectivités territoriales décentralisées et l’Etat. Cette question des déchets doit alors être une priorité pour les pouvoirs publics. Il faut structurer le secteur et bien organiser les rôles des différents acteurs, à partir des ménages, jusqu’à la décharge, en passant par la pré-collecte et le ramassage par camions. Pour faciliter ces opérations, la construction des Centre de Transfert des déchets dans les grandes villes, sont un impératif catégorique. Par exemple, la ville de Yaoundé qui doit avoir en principe trois Centres de transfert, d’une superficie d’au moins 5000 m² chacun, ne dispose d’aucun Centre. Et avec la décharge de Nkolfoulou qui est déjà saturée, il est projeté l’acquisition de nouveaux sites identifiés dans les Communes de Mfou et de Mbankomo, pour l’aménagement des nouvelles décharges. Par contre, la Communauté urbaine de Douala, semble beaucoup plus avancée dans l’adressage de cette problématique de gestion des déchets, avec notamment la construction de son tout premier Centre de transfert à Youpwè, qui est en cours d’achèvement ; le second Centre est prévu dans la zone de Bonabéri ; et l’aménagement d’une deuxième décharge est en cours dans la localité de Ngombè, par PK27. Malheureusement, le problème de disponibilité des financements pour toutes ces initiatives vient bloquer la dynamique. Et il me souvient qu’un décret a même été pris en 2023 par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, affectant les droits d’assises au financement de la gestion des déchets, à travers un compte spécial logé au Feicom, au bénéfice des Collectivités territoriales décentralisées. Ce qui devrait en principe résoudre substantiellement le problème. Mais, nous attendons toujours la mise en œuvre de ces dispositions par le Ministère des finances ».
Vers des solutions durables
Pour remédier à cette situation d’insalubrité dans la ville de Yaoundé, des études et réflexions menées autour de la communauté urbaine, viseraient le découpage de la ville en quatre lots, afin de bien circonscrire le périmètre d’action de chaque prestataire et éviter les chevauchements entre les zones de compétence des uns et des autres. Sauf que, la contractualisation par gré à gré, du deuxième opérateur, Thychlof, en 2021, à qui la Communauté urbaine avait alors circonscrit ses prestations uniquement dans l’arrondissement de Yaoundé 3, ne semble toujours pas avoir fait ses preuves, à en croire les multiples grèves enregistrées avec ses sous-traitants, les insuffisances en personnels et en matériels logistiques, l’utilisation saisonnière des centaines de jeunes stagiaires qui revendiquent régulièrement les paiements de leurs arriérés de salaires, sans oublier le manque d’expérience professionnelle dans ce secteur d’activité hautement stratégique. Ainsi, les quartiers Nsimeyong, Obobogo, ou encore Nsam, dans cette Commune de Yaoundé 3, où l’entreprise Thychlof est engagée depuis quelques années seulement, n’affichent pas du tout fière allure en matière de salubrité. Bien au contraire ! A travers cette expérience très peu reluisante de ce prestataire à Yaoundé 3 ; il est impératif désormais de recourir, sans complaisance, au recrutement des sociétés beaucoup plus expérimentées ; et qui bénéficient des états de service assez soutenables dans ce domaine, aussi bien à l’échelle nationale, qu’internationale.
L’urgence des paiements des prestations
Même s’il faut reconnaitre que dans la qualité des prestations offertes par ces entreprises qui opèrent dans la ville de Yaoundé, Hysacam et Thychlof, le problème du non paiements et des paiements irréguliers des factures, paralyse énormément l’efficacité de ces entreprises sur le terrain, au regard du poids des différentes charges liés au fonctionnement de ces entreprises. D’où l’impératif catégorique d’adresser durablement cette problématique de financement de la gestion des déchets, en explorant d’autres mécanismes. Et l’entrée en vigueur effective des droits d’assises est un espoir certain et une bouffée d’oxygène pour ces prestataires qui sont presqu’à l’agonie aujourd’hui.
En attendant de découvrir enfin la liste des prestataires qui frapperont à la porte de ce juteux marché de la gestion des déchets au Cameroun, il ne reste plus que la validation et la publication de ces fameux dossiers d’appel d’offres de la Communauté urbaine de Yaoundé, par le ministère des marchés publics.
Samuel Bondjock
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