Le Cameroun aurait-il honte de ses héros nationaux de l’indépendance ou de ses martyrs ?
Le Philosophe psychopédagogue, Jean Paul Nna Mvondo, fait une incursion dans la représentation que les camerounais se font de leurs martyrs et héros nationaux de l’indépendance.
Le Cameroun est un pays formidable et curieux dans lequel il fait bon d’aduler et d’adouber les héros nationaux et martyrs des autres pays du Monde, plutôt que de vénérer les leurs propres. Un véritable crime de lèse-majesté s’il en était encore besoin. Il n’y a qu’à voir comment les médias camerounais, du public comme du privé, avec acharnement, empressement et maestria, encensent le départ à la vie de la reine Élisabeth II d’Angleterre, morte il y a quelques jours en grande Bretagne. On dirait la grand-mère de notre Président de la République, ou alors une nationaliste camerounaise ayant guerroyé dans les luttes des indépendances africaines, et principalement du Cameroun. Il ne se passe pas une émission ou un point de presse dans les médias camerounais qui ne fassent allégeance à la reine d’Angleterre avec autant de passion que de truculence verbale qui encense ses activités durant son existence.
Et, pourtant, dans la même période de jactance verbale stérile autour du décès de la reine Élisabeth 2 d’Angleterre, se trouve le cas Oum Nyobe, nationaliste camerounais, dont on devrait fêter la naissance de sa mort, 64 ans après nos indépendances africaines.
Qu’est-ce qui pourrait expliquer cette propension des camerounais à vénérer plus les héros nationaux étrangers plutôt que les leurs propres ? Telle nous semble la réelle motivation qui a présidé le choix de notre réflexion sur notre chronique matinale d’aujourd’hui que nous pourrions intituler : L’oubli pathologique de nos héros nationaux tués sur l’autel des discours aux relents neocolonialistes inqualifiables de chez nous.
À cette question et à ce titre,notre grille de lecture s’appuie sur une constante à savoir : le rapport entre la mentalité de nos citoyens et le développement de nos états.
Avons-nous dépassé les avatars, les atavismes moyennageux, les clivages légués par la colonisation ?
La vérité est que, nous continuons inexorablement de porter le lourd héritage d’un passé amer et douloureux qui nous a privés de nos libertés fondamentales avec les séquelles de la colonisation. Nous continuons d’être frappés par un raté d’assimilation ( colère) , ainsi qu’un raté d’accommodation ( peur) face à nos bourreaux d’hier, qui continuent de hanter nos esprits au point de les apprivoiser. Nos esprits s »hellenisent et ,par mimétisme aveugle,se complaisent dans l’imitation de la mentalité de nos bourreaux d’hier.
Or, précisément,le philosophie Jankélévitch, dans l’idée de développement d’un peuple reconnaît que le développement d’un peuple dépend du type de mentalité qui y prévaut . Aussi, sommes-nous en droit de comprendre que ,nos attardements , ainsi que l’esprit de stagnation indescriptible qui s’exprime en nous face au développement de nos états africains, résultent de notre caractère d’hybrides culturels rechargeables. Ceux-là qui pensent, mangent, parlent, s’habillent comme le blanc qui nous a colonisés,en reléguant dans le boisseau sphérique de l’ignorance et de la bohème romantique,nos valeurs culturelles séculaires propres.
Nous préférons chanter les louanges de la reine Élisabeth 2 d’Angleterre ,que d’honorer la mort de Oum Nyobe nationaliste camerounais, par pure honte de nos origines ambivalents. Les Ernest Ouandje,les Félix Moumie,les Amadou Ahidjo, pour ne citer que ceux-là,ne paient pas de mine,et n’ont aucune valeur contractuelle ajoutée d’avec leur nation,face à la sempiternelle hégémonie des héros nationaux occidentaux.
Et dire que nous sommes indépendants dans tout cela, relèverait pour nous,de l’imposture. Car, plus dépendants des occidentaux que les Africains,tu meurs.
Une refonte de nos mentalités s’impose pour exorciser le mal être des Africains à vouloir toujours s’identifier au blanc, à son colonisateur. Ne pas y penser, nous ferait demeurer des éternels attardés culturels .
Ne dit-on pas que tel on fait son lit,tel on s’y couche ? Autant nous traitons nos héros nationaux aujourd’hui, autant nous-mêmes serions traités demain dès l’heure de notre départ sur terre.
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