Je suis le seul prêtre de l’ Eglise Catholique romaine à avoir attiré l’attention de mon Église et de l’opinion publique nationale et internationale sur l’injustice que Mgr Atanga, Archevêque de Bertoua, laisse commettre sur son propre prêtre, l’abbé Émilien Messina, en le vendant à des calomnies et en le demettant de son état clerical sur la seule base des accusations chimériques portées sur ce jeune prêtre.
Je suis surtout le seul prêtre à avoir pris position en 2022 contre la décision de Mgr Atanga de sanctionner un prêtre à peine accusé puis privé de sa liberté. J’avais fait valoir la présomption d’innocence de l’abbé Émilien Messina. Cette garantie procedurale, dans la justice à rendre, oblige que nul ne soit privé de son honneur aussi longtemps que l’accusation portée contre lui, devant le juge, ne fait l’objet d’aucun jugement de condamnation.
Malheureusement, le jour même où l’abbé Émilien Messina est convoqué devant les officiers de police judiciaire pour viol sur mineure et transmission du VIH, il est aussi privé de sa liberté avant toute confrontation d’ailleurs avec la partie plaignante. Comme si cela ne suffisait pas, son Évêque prend un décret le même jour pour expulser ce pauvre prêtre, aujourd’hui décédé, de ses fonctions sacerdotales. C’est ce décret précipité de Mgr Atanga qui a consolidé les prétentions de la partie plaignante autant qu’il a ébranlé du côté de l’appareil judiciaire le rouleau compresseur qui a conduit mon confrère à une mort précoce : une mort de condamné auquel la justice s’est réservé tout jugement depuis pourtant plus de dix mois, une mort infâme, une mort de règlement de compte d’un Évêque sur un prêtre pourtant sans défense et sans protection, une mort programmée du point de vue de l’attitude de Mgr Atanga, une mort douloureuse comme si l’abbé Messina était une personne sans famille, sans aucun proche, sans des personnes qui l’aiment et sans aucune importance dans notre Église. C’est une indiscrétion par ailleurs mais j’en parle. Dans mes échanges avec l’abbé Messina il y a quelques semaines seulement, il me faisait savoir que son père Évêque ne lui a jamais rendu visite en prison pourtant celle-ci est à un jet de pierre de l’évêché. Moi, par contre, je lui répondais qu’il ne faut pas que tu attendes de ton criminel la moindre attention qui puisse te bénéficier.
Pourquoi est-ce que j’estime donc que Mgr Atanga n’a rien fait pour sauver la vie de l’abbé Émilien Messina ? La première chose est que Mgr Atanga a établi une présomption de culpabilité pour enfoncer son pauvre prêtre. En effet, le décret de Mgr Atanga qui demet l’abbé Messina de ses fonctions sacerdotales, au soir des accusations portées contre lui et l’ayant privé de sa liberté avant même que toute confrontation entre la partie plaignante et l’accusé n’ait eu lieu, avait pour but de faciliter l’accusation et de fragiliser l’accusé. Voilà d’ailleurs pourquoi la curie de Mgr Atanga fait publier cette décision episcopale sur les réseaux sociaux sans aucunement tenir compte de ce que l’abbé Messina est encore un présumé innocent. On a terni son honneur sans aucune justice. Mgr Atanga n’ ignorait donc rien de ce que sera le dossier Messina depuis le commencement.
Par ailleurs, comparaison n’est pas raison. Mais, voyons comment d’autres Évêques ont souvent géré ce genre de dossiers impliquant leurs prêtres. En 2021, au diocèse de Mbalmayo ( Cameroun), un jeune prêtre est reconnu de torture sur personne âgée. Suite à des antécédents inextricables, le jeune prêtre s’est retrouvé en train de frapper le vieillard avec des tiges de macabos. Le vieillard ne va pas subir une violence physique mais il est torturé moralement. On lui attribue d’être sorcier et sur lui pèsent désormais les accusations de tous les malheurs de la contrée. Cette scène est filmée et relayée sur les réseaux sociaux et les médias. L’ opinion publique est choquée et appelle le procureur de la république à prendre ses responsabilités. Mais, en bon père de famille et en homme de paix, l’évêque de Mbalmayo ne va pas abandonner son prêtre à l’erreur commise. Il se rapproche du vieillard et de sa famille, obtient leur pardon et prend en charge les soins de rétablissement de la victime. Sans toutefois cautionner l’attitude de son prêtre, l’évêque va le soumettre à une pénitence qui durera plus d’un an dans le clergé. Elle semblait d’ailleurs plus pénible que ce que le juge pénal aurait pu envisager. Grâce à beaucoup de sagesse et de tendresse, l’évêque sauve son prêtre autant qu’il rétablira le vieillard dans son honneur. On ne le voit pas agir comme Mgr Atanga à l’endroit de l’abbé Messina.
Voici une histoire un peu plus difficile que l’Archevêque de Yaoundé ( Cameroun) gère avec tact en 2018. Un jeune prêtre de Yaoundé est reconnu de beaucoup de proximité avec un membre du gouvernement de la république. Malheureusement, à la suite d’un remaniement ministériel, monsieur le ministre est défait de ses fonctions.
Consécutivement aux rumeurs qui pèsent sur sa personne et qui fixent l’imminence de son incarcération prochaine, ledit ministre quitte subrepticement le Cameroun en pleine nuit et se réfugie dans un pays voisin à partir duquel il est d’ailleurs très tôt épinglé et remis à la justice de son pays. L’ enquête ouverte fait découvrir que sa fuite a été facilitée par un jeune prêtre qui l’aurait aidé à traverser tous les contrôles routiers jusqu’au pays voisin. L’ affaire est à la une dans les médias nationaux. En plus d’être grave, elle est surtout dangereuse. Le jeune prêtre est donc aussi épinglé et privé de sa liberté.
Cependant, comme le père de la parabole du fils prodigue, l’Archevêque de Yaoundé ne se lave pas les mains. Il est pris de pitié pour ce fils prêtre. Ne pouvant pas le soustraire des pinces de la justice étatique, l’ Archevêque va peser de tout son poids pour que son fils prêtre comparaisse étant libre. Après plusieurs semaines de tractations, le jeune prêtre est libéré mais comparait libre jusqu’au jour où, par un décret du chef d’Etat, le ministre est libéré. Le jeune prêtre aussi, à son tour, voit son problème s’arrêter.
Il n’y a pas que ceci comme témoignage à rendre à ce que les évêques, nos pères, font pour protéger leurs prêtres même devant les pires difficultés. Mais, je ne peux me limiter qu’à ce que je raconte pour le moment avant de faire une enquête diocèse par diocèse.
Alors, comment un Évêque, Mgr Atanga, a-t-il donc pu jeter son prêtre à la vindicte populaire au lieu de le protéger et de lui garantir une justice équitable ? Comment ne pas penser que des antécédents existaient déjà entre Mgr Atanga et l’abbé Émilien Messina au point où l’accusation portée contre l’abbé a été l’aubaine pour l’évêque de le poignarder ? Jusqu’où ne faut-il pas penser aujourd’hui que l’Eveque Atanga a contribué à alimenter une intrigue houleuse sur son propre prêtre dans le seul but de le perdre sans se salir les mains ? Aura-t-il le courage de l’inhumer ? Que va-t-il dire aux gens devant le Christ lors de ces obsèques ?
Abbé Jean Armel Bissi, prêtre et enseignant de philosophie (Cameroun).
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