Les statistiques, suivant le rapport mondial de l’Oms (Organisation mondiale de la santé) sur la tuberculose, sont de plus en plus qu’inquiétantes. En 2020 par exemple au Cameroun, 78% d’enfants de 0 à 14 ans n’ont pas pu être diagnostiqués de la tuberculose. Alors même que le taux de mortalité infantile, lié à cette pathologie silencieuse était de 48 décès pour 1000 naissances vivantes en 2018. Une situation qui préoccupe au premier chef les organisations qui œuvrent au quotidien pour la santé communautaire, à l’instar de For impacts in social health (Fis), qui lance aujourd’hui sa campagne « Voix des femmes », sur la situation de la tuberculose pédiatrique au Cameroun, dans l’objectif d’intégrer désormais la tuberculose dans les services de santé maternelle et infantile, notamment dans les guides, protocoles et directives de la prise en charge intégrée des maladies du nouveau-né et de l’enfant (Pcimne).
Afin de croiser ces chiffres à la réalité du terrain, une enquête nous a conduit tour à tour vers plusieurs formations sanitaires au Cameroun. Rendus auprès de l’hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé, spécialisés dans les soins de la mère et de l’enfant, les responsables médicaux nous informent qu’ils ne sont pas habilités à prendre en charge cette maladie. C’est le même son de cloche à l’hôpital de district de Mvog-ada, que nous avons également contacté à cet effet. Tous nous renvoyaient vers l’hôpital Jamot de Yaoundé, qui nous a malheureusement fermé ses portes jusqu’ici. La demande introduite par nos soins auprès du Directeur général, Dr Joseph Marie Mendimi Nkodo, est restée sans suite.
C’est plutôt le programme national de lutte contre la tuberculose (Pnlt), à travers son Chef de Section prise en charge des cas, formation et recherche, le Pneumologue, Dr Kuate Kuate Albert, qui, à travers un entretien exclusif, nous a davantage édifié sur cette pathologie. Notamment le diagnostic, le traitement, les coûts et les statistiques au niveau du Cameroun.
« Le traitement de la tuberculose pédiatrique dure en général 6 mois, pour les formes simples, mais on peut aller jusqu’à 12 mois, pour les formes compliquées (méningites tuberculeuses et tuberculose osseuse vertébrale ou mal de Port). Et ce traitement se présente comme suit : pour les formes simples, 6 mois de traitement au 2RHZE/4RH. Soit 2 mois de phase intensive avec 4 molécules (rifampicine(R) 75mg + isoniazide(H) 50mg + Pyrazimide(Z) 150mg + Ethambutol(E) 100mg et 4 mois de phase de continuation avec 2 molécules (rifampicine(R) 75mg + isoniazide (H) 50mg). Les formes compliquées (mal de Port et méningite tuberculeuse), nécessitent 12 mois de traitement, soit 2 mois de RHZE + 10 mois de RH. Ce traitement de la tuberculose, notamment la tuberculose pédiatrique, est entièrement gratuit sur toute l’étendue du territoire national dans les 261 centres de diagnostic et de traitement (CDT) ».
Par contre, les informations glanées auprès des médecins exerçants dans les formations sanitaires, non CDT (centres de diagnostic et de traitement), font état d’un traitement onéreux et d’un diagnostic qui nécessite des examens cliniques, qui ne sont pas à la portés de tous. A l’hôpital de Mbo’o par exemple, comme nous le confirme un médecin qui a requis l’anonymat : « l’examen d’IDR à la tuberculine n’est pas disponible ». Pour le Dr François Mvogo, médecin généraliste, en service au centre médical Espoir de Tsinga à Yaoundé : « les traitementsRHEZ (association rifampicine(R) + éthambutol (E) + isoniazide(H) + pyrazinamide(Z)), pendant 2 mois et RH (rifampicine(R) + isoniazide (H)) pendant les 4 mois restant, suivis du contrôle de la charge des BK, sans compter avec les examens NFS, Iono sanguin simple, Crachat Baar, PCR-BK, TB lap urinaire, Serolav, Rx thorax, Scanner cérébral, ou encore la Ponction biopsie disco-vertébral, ne sont pas à la portée de toutes les bourses. D’où l’urgence d’accélérer le projet de couverture santé universelle, pour sauver des vies ».
Loin de toutes les assurances, sommes toutes optimistes de certains professionnels de la santé, la tuberculose pédiatrique reste encore un véritable problème de santé publique, pour lequel le gouvernement devrait rester en éveil.
Samuel Bondjock
Docteur, qu’en est-il de la place du diagnostic et de la prise en charge des cas de tuberculose pédiatrique au Cameroun ?
En principe, le diagnostic de la tuberculose pédiatrique se base sur un faisceau d’arguments à la fois épidémiologiques, clinique et para-clinique. Sur le plan épidémiologique, c’est à travers le contact avec un proche malade de tuberculose pulmonaire bacillifère (TPB+). Il s’agit le plus souvent d’un contact familial, mère, père, frère, sœur, ou encore toute personnes vivant sous le même toit. Sur le plan clinique, on distingue la forme pulmonaire et extra pulmonaire. La forme pulmonaire se manifestant par la toux, fièvre vespérale, perte de poids et baisse de l’activité physique (léthargie). La présence d’au moins un de ces symptômes fait suspecter la TB pulmonaire chez l’enfant. La forme extra pulmonaire quant à elle, touche tous les autres organes sauf les poumons. Et ses symptômes dépendront de l’organe atteint (plèvre, ganglions, méninges, os vertébrale, péricarde, etc..) Et enfin, sur le plan Para-clinique, si la forme est pulmonaire, l’examen de référence chez l’enfant c’est l’examen moléculaire (GeneXpert), des prélèvements (crachats, aspiration nasopharyngés, tubage gastrique, selles). En dehors de cet examen moléculaire, la radio du thorax est aussi d’une utilité capitale. Par contre, si la forme est extra pulmonaire, l’examen à réaliser sera fonction de l’organe atteint (ponction et analyse du liquide pleural + biopsie pleurale, si atteinte pleurale. Ponction + analyse du liquide ganglionnaire si atteinte ganglionnaire. Ponction lombaire + analyse du liquide, si suspicion de tuberculose méningée, etc…)
Que peut-on dire du traitement, de sa durée et des coûts y relatifs ?
Le traitement de la tuberculose pédiatrique dure en général 6 mois, pour les formes simples, mais on peut aller jusqu’à 12 mois, pour les formes compliquées (méningites tuberculeuses et tuberculose osseuse vertébrale ou mal de Pott). Et ce traitement se présente comme suit : pour les formes simples, 6 mois de traitement 2RHZE/4RH. Soit 2 mois de phase intensive avec 4 molécules (rifampicine(R) 75mg + isoniazide(H) 50mg + Pyrazimide(Z) 150mg + Ethambutol(E) 100mg et 4 mois de phase de continuation avec 2 molécules (rifampicine(R) 75mg + isoniazide (H) 50mg). Les formes compliquées (mal de Port et méningite tuberculeuse) nécessitent 12 mois de traitement, soit 2 mois de RHZE + 10 mois de RH. Ce traitement de la tuberculose, notamment la tuberculose pédiatrique, est entièrement gratuit sur toute l’étendue du territoire national dans les 261 centres de diagnostic et de traitement.
Un mot sur les structures d’accueil et de prise en charge de cette pathologie au Cameroun ?
Il existe actuellement 261 centres de diagnostic et de traitement (CDT) de la tuberculose au Cameroun, habiletés à prendre en charge cette pathologie. Mais, le Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT) compte créer 125 nouveaux CDT, dans les 3 prochaines années, afin d’améliorer l’accès aux soins TB à travers le territoire national.
Bien plus, le PNLT compte désormais renforcer sa collaboration avec les formations sanitaires (fosa), non CDT, avec l’appui des agents de santé communautaires et les mentors, afin de référer les cas suspects de tuberculose détectés dans ces fosa, vers les CDT, pour une prise en charge précoce et adéquate.
Docteur, peut-on avoir une idée sur les statistiques de cette maladie au Cameroun ?
Au regard des statistiques du PNLT, au Cameroun en 2020, la tuberculose pédiatrique est restée sous notifiée (soit 5 % de toutes les formes notifiées), par rapport aux estimations de l’OMS qui atteint les 10 à 15% de toutes les formes notifiées. Par exemple, en 2020, environs 22 511 cas de tuberculose toutes formes ont été notifiés au Cameroun et en appliquant les 5%, cela donne 1 126 cas de tuberculose pédiatrique notifiés. Le rapport de 2019 quant à lui faisait état de 24 742 cas notifiés. Une baisse d’environ 10%, causée certainement par la pandémie de la Covid-19, qui a créé une stigmatisation des CDT, qui prenaient également en charge les cas de Covid-19. Ce qui a fait fuir certains patients qui pour la plupart ont eu peur d’être infectés par la Covid-19.
Propos recueillis par S.B
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