Jean Patrick Mboua, c’est un nom. C’est un message. C’est une histoire. C’est une vocation et c’est surtout un modèle pour celui qui est jeune prêtre aujourd’hui, au Cameroun, dans nos conditions actuelles. Il n’est pas le prêtre de la ville. Il n’est pas le prêtre des périphéries rurales. Il est surtout le prêtre de l’effort à fournir une fois qu’on a été ordonné prêtre.
Ordonné prêtre en 2010 à Yaoundé, Jean Patrick Mboua a tour tour été formateur au grand séminaire d’Otele, vicaire à la cathédrale de Yaoundé, directeur de l’école primaire catholique la Retraite à Yaoundé, curé de la paroisse de Ndzana dans les coins reculés et périphériques de l’Archidiocese de Yaoundé dont il est prêtre, principal du collège Stoll à Akono et depuis peu membre du corps professoral de l’université catholique d’Afrique Centrale.
Jean Patrick Mboua est connu de moi depuis la tendre enfance. Je le trouve éleve en classe de Troisième quand j’entre en 6e au Petit séminaire de Mbalmayo en 1998. Pour nous, ses cadets, il est l’homme d’une brimade qui ne nous épargne pas. PATRICK est en fait dépositaire d’une connaissance rare du vocabulaire français. Chacun des mots qui sort de sa bouche est pour nous une épopée. Mes jeunes camarades et moi ne le designons que par ce lexique dont il nous accable dans la cours de récréation, dans les couloirs du petit séminaire, au réfectoire, dans les aires de jeux ou encore dans les salles de bain. Abracadabrant, synoptique, macabre, mirobolant, gargantuesque, vernaculaire, arbitraire, prohibition ou encore allégorie sont autant de noms que nous lui collons à chaque fois qu’il en fait usage. Pour nous, c’est un héros. Lors d’une dispute au Séminaire, deux camarades s’attelaient à savoir qui est le séminariste le plus savant au Séminaire. Deux noms vont faire le tour de la table : Akono Omgba Arnaud et Mboua Jean Patrick. Le premier est en classe de seconde et fait aussi l’objet d’une brillance rare. Il connaît parfaitement le latin et le grec. Chaque mot est connu de lui depuis son etymologie. Mboua par contre a un vocabulaire toujours nouveau, continuellement attractif et legendairement bouleversant. Le choix sera donc porté sur Mboua. Pour nous qui prenons part à ce débat, Mboua est le séminariste le plus savant. Au passage d’un aîné de la classe de Première du nom de Bienvenue Nola, le débat quitte notre unique attention et se porte vers Nola. Étrangement, Nola dira que c’est lui le séminariste le plus instruit. Selon lui, nous sommes tous hors-sujet. Comme si la nature avait elle-même voulu de ce débat, tous nos aînés susmentionnés sont aujourd’hui des enseignants d’universités ici au Cameroun. Akono Omgba Arnaud est agrégé de droit public, Nola Bienvenu est enseignant de droit et chargé de cours à l’université de Yaoundé 2, Jean Patrick Mboua vient de passer chargé de cours à l’université catholique d’Afrique Centrale. Il est enseignant de droit et de sciences politiques.
JEAN PATRICK MBOUA est donc né travailleur, ambitieux, intelligent et surtout très endurant. Il commence ses classes en droit étant curé dans une paroisse de village dont le lien avec l’université n’est pas évident. Il part de la brousse pour faire ses cours à l’université de Yaoundé et doit en même temps vaquer à ses obligations pastorales. Il ne jouit pas d’une bourse d’études comme plusieurs prêtres étudiants. Il n’a pas un bienfaiteur. Il ne veut même pas se faire connaître comme étudiant au sein du clergé. Plusieurs fois, il me dira : » Bissi, je fais mes études pour moi. Je ne veux pas qu’on en parle. Je ne veux non plus laisser l’impression que cela donne une quelconque lourdeur à ma charge pastorale. » Il faut par ailleurs ajouter que l’abbé Jean Patrick Mboua fait deux universités au même moment. À l’université de Yaoundé 1, il passe une licence en philosophie et un Master en histoire. À Yaoundé 2, il passe un Master en sciences politiques et un Master en droit privé. C’est à l’université de Douala qu’il soutient une thèse de doctorat en sciences politiques en 2022. Recruté préalablement à l’Ucac comme assistant, il passe Chargé de cours en cette année 2023 dans cette université de renom.
C’est un jeune prêtre dont l’humilité nous interpelle, l’endurance au travail nous bouscule, l’abnégation nous révolte et dont le silence est parlant. Il aurait pu croiser les bras en attendant le jour que l’Eglise l’enverra à Rome pour des études de prêtres. Il aurait pu liquider son temps dans la boisson, les intrigues clericales, l’oisiveté qui tourmente depuis des enceintes ecclésiales parfois vides de leurs prêtres ou encore dans une imposture qui laisse souvent croire qu’être prêtre est une réussite sociale. Mais, Patrick a fait le choix de travailler dur comme tout bon fils « Etonn » qui refuse de croiser les bras dans une capitale politique, Yaoundé, qui livre ses opportunités seulement à ceux qui en ont le flair.
Aujourd’hui, nous sommes sûrs de voir en Patrick un vrai aîné dans le clergé, un modèle d’endurance, une réussite, un prêtre travailleur, un héros qui a triomphe de notre contexte ecclésial très souvent éprouvant et surtout une tête sur laquelle peut désormais compter l’Eglise du Cameroun quand il y a matière à réflexion en droit et en sciences politiques. Bon vent, abbé Patrick Mboua.
Abbé Jean Armel Bissi, prêtre et enseignant de philosophie ( Cameroun).
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