Sous le signe de la durabilité et de l’équité, le Cameroun s’apprête à écrire une nouvelle page de son histoire en matière de gestion des ressources naturelles.
En janvier 2025, le pays accueillera la première édition du Forum national sur les ressources génétiques, une initiative inédite, qui vise à transformer ses richesses biologiques en véritables moteurs de développement économique du pays.
Avec une biodiversité parmi les plus riches d’Afrique, car abritant près de 92% des écosystèmes présents sur le continent africain ; et plus de 11 000 espèces génétiques déjà recensées. le Cameroun possède alors un potentiel génétique immense, mais encore largement sous-exploité. Mais alors, cette abondance de richesses cache des défis majeurs que sont les exploitations anarchiques des ressources génétiques, comme le Prunus africana, qui engendre chaque année des pertes économiques colossales.
Le Protocole de Nagoya, un cadre pour l’avenir
Depuis la ratification en 2016 du Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages (APA), le Cameroun s’efforce à structurer son cadre juridique. Une loi promulguée en 2021 par le chef de l’État ; et un décret présidentiel signé en 2023, marquent des avancées importantes dans ce secteur. Ces textes visent à garantir une exploitation durable des ressources génétiques, tout en assurant des bénéfices équitables pour les communautés locales, véritables gardiennes de cette biodiversité exceptionnelle.
Cependant, les défis restent nombreux. « Le Cameroun perd environ 15 milliards de francs CFA par an à cause de l’exportation de Prunus africana en dehors des mécanismes APA », souligne Dr. Aurélie Dingom, Directrice nationale du projet APA au Cameroun.
Une meilleure régulation pourrait transformer cette ressource en un pilier économique, avec des retombées potentielles estimées à plus de 150 milliards de francs CFA par an.
Un Forum pour mobiliser les acteurs
Le Forum national sur les ressources génétiques se présente comme une plateforme pour fédérer chercheurs, décideurs, communautés et entreprises autour des enjeux de l’APA. « Ce rendez-vous est une opportunité unique pour discuter des meilleures approches en vue de valoriser nos ressources génétiques », a déclaré Dr Dingom. Lors de l’atelier, les communicateurs ont été appelés à jouer un rôle clé dans la sensibilisation du public. « La presse et les médias doivent porter ce message au plus grand nombre afin de susciter une véritable prise de conscience collective », a-t-elle ajouté.
L’Économie au service de la biodiversité
Le Cameroun ne peut plus se permettre de laisser ses ressources génétiques enrichir les chaînes de valeur étrangères sans contrepartie. L’exemple du Prunus africana illustre cette urgence : vendu à 600 francs CFA le kilogramme, il génère seulement 355 millions de francs CFA par an pour le pays. Or, une transformation locale permettrait de multiplier ces revenus, atteignant jusqu’à 300 milliards de francs CFA. Outre le Prunus africana, les opportunités sont immenses dans d’autres secteurs comme la bioprospection, les cosmétiques, et l’agroalimentaire. Selon le Forum économique mondial, plus de 50 % du PIB mondial dépend de la nature, et la perte de biodiversité est identifiée comme un des trois principaux risques pour l’économie dans les dix prochaines années.
Le Forum national sur les ressources génétiques se positionne comme une réponse stratégique à ces défis. En rassemblant les acteurs clés, cet événement ambitionne de poser les bases d’un modèle économique durable où biodiversité et prospérité économique vont de pair. Avec des initiatives comme celle-ci, le Cameroun aspire non seulement à préserver son patrimoine naturel mais aussi à en faire un véritable levier de croissance pour les générations futures.
Samira Ndolè.
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