Tribune libre du prêtre philosophe Jean Armel Bissi pour informer le président Emmanuel Macron de la dégradation de la langue française au Cameroun à l’occasion de sa visite d’Etat du 26 juillet 2022 au Cameroun


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  • 18 juillet 2022

Monsieur le Président Emmanuel Macron, francophile de mon état, je suis fier de savoir que vous viendrez dans mon pays, le Cameroun, le 26 juillet 2022. Vous incarnez la France à tous les niveaux y compris dans le domaine de la culture française.

Je vous invite à cet effet à ne pas avoir que des préoccupations politiques, économiques et diplomatiques lors de votre prochain séjour au Cameroun. Je vous souhaite aussi d’ inclure la culture française au Cameroun au rang de vos préoccupations fondamentales.

En effet, le Cameroun est un pays bilingue et le peuple camerounais est fait de plusieurs intelligences depuis les indépendances. Dans le domaine de la littérature française, le Cameroun est la terre natale de très grands écrivains francophones à l’instar de Mongo Beti, Ferdinand Léopold Oyono, Guillaume Oyono Mbia, Séverin Cécile Abega, Calixte Beyala, Djaili Amadou Amal etc. On ne saurait tous les citer en l’espace de cette lettre.

Du Cameroun ont aussi vu le jour de très grands penseurs francophones tels que Marcien Towa, Fabien Eboussi Boulaga, Meinrad Hebga, Engelbert Mveng, Jean Marc Éla, Ebenezer Njoh Mouelle, Hubert Mono Ndzana, Lucien Ayissi, Nkolo Foe, Charles Romain Mbele et bien d’autres.

Tout cela rend compte de la fécondité de la culture française au Cameroun et du désir des camerounais de pratiquer la langue française dans les principes de la France.

Malheureusement, il se vit au Cameroun aujourd’hui une éclipse de l’amour de la langue française. Cela est dû à une montée en puissance de la langue anglaise en contexte Camerounais, à une prolifération des pratiques syncretistes qui allient la langue française à des expressions non francophones et surtout au livre français qui se fait indisponible en contexte Camerounais.

M. Le président Macron, il devient difficile de lire Victor Hugo, La Fontaine, Molière, Bergson ou Sartre étant au Cameroun. Tous ces auteurs ont vieilli à défaut d’avoir disparu de nos bibliothèques. On ne peut les rencontrer aujourd’hui que très rarement chez des vendeurs ambulants qui les exposent dans les rigoles dans nos villes sans se faire remarquer des lecteurs. Quand il arrive même qu’on trouve un de ces auteurs auprès de ces libraires de circonstance, le livre est généralement déjà abîmé avec plusieurs pages floues à défaut d’être arrachées.

En fait, la langue française au Cameroun est vouée à l’extinction si la France ne vole pas au secours de sa culture. Tout le public Camerounais est en train de devenir anglophone parce que le Commonwealth met à la disposition des anglophiles des bibliothèques bien fournies alors que la Francophonie ne fait pas sentir son efficacité au quotidien auprès du public francophone. Même les éventuels instituts français présents à Yaoundé et Douala ne sont pas réellement garnis en livres à la hauteur de nos travaux académiques. Il arrive aussi que nos élèves reviennent parfois de ces instituts sans avoir été satisfaits soit du point de vue des stocks disponibles soit alors au regard de l’accessibilité à certains travaux traduits en langue française depuis d’autres langues étrangères.

Que dire alors de la bourse d’études française qui devient un luxe au Cameroun à un moment où le public francophone est plus nombreux qu’autrefois ? C’est cette bourse qui faisait sortir nos parents du Cameroun pour de brillantes études en France et ajoutait à ce pays de milliers d’admirateurs depuis nos familles, nos villages, nos lycées et nos universités. Aujourd’hui, la bourse française se fait rare à défaut de ne même plus atteindre les couches sociales défavorisées. Elle est peut-être devenue un cadeau qu’un ambassadeur de France au Cameroun peut faire à un ami membre du gouvernement ou encore haut gradé de l’armée camerounaise. Mais, le fils du paysan Camerounais ne va plus en France parce qu’il est brillant ou encore parce que la France soutient l’excellence au Cameroun. C’ est une réalité que votre gouvernance actuelle doit changer afin que la France retrouve au Cameroun et partout ailleurs en Afrique sa grandeur d’antan.

Pour nous qui avons le souci de la culture française au Cameroun et qui enseignons les auteurs francophones, le courrier est adressé à vous, Président de la République française, pour qu’il y ait une vulgarisation des bourses d’études, des auteurs et des livres français dans chacune des dix régions du Cameroun. Faites financer depuis la France des bourses d’études vers la France comme autrefois, des bibliothèques, des librairies et des maisons d’édition qui permettront que ceux qui veulent s’instruire en français se cultivent partout au Cameroun autant qu’en France et avec diverses possibilités. La génération de Camerounais actuelle (présente dans les écoles primaires, les lycées, les collèges et les universités) souhaite aller aussi loin que les précédentes et les surpasser dans l’acquisition et l’ expression de la langue française.

M. Le Président Macron, Si vous ne faites rien, la langue française va s’extenuer au Cameroun dans un proche avenir et emportera avec elle la culture française. Or, le Cameroun est le leader de la sous-région CEMAC du point de vue de la population francophone. Cela signifie que l’affaissement de la langue française au Cameroun aura des tentacules sur toute la zone CEMAC et peut-être en déhors.

M. Le président, volez donc au secours de la culture francaise au Cameroun sans plus attendre. C’est une priorité pour une France qui est concurrencée aujourd’hui par d’autres puissances sur le continent africain.

Veuillez agréer, monsieur le Président Macron, l’expression de mon profond respect.

Abbé Jean Armel Bissi, prêtre et enseignant de philosophie, diplômé la 59e promotion de l’Ecole Normale Supérieure de Yaoundé, licencié en droit privé et en droit public, master en philosophie ( éthique et philosophie politique).

Whatsap : 237 651 06 05 76

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