Cameroun – Tribune libre du prêtre philosophe Jean Armel Bissi sur les prêtres non solidaires de la souffrance des autres : les imposteurs de l’Évangile du Christ en 2022.
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- 2 juin 2022
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L’ abbé Emilien Messina va mourir en prison à Bertoua ( Cameroun) sans avoir été jugé. On dira qu’on faisait des enquêtes. Mais aucun d’entre nous n’aura rien essayé pour qu’il bénéficie d’une justice équitable. Même pas son Évêque dont la visite dans la cellule où croupit son prêtre reste attendue après de longues semaines.
Nous avons toujours été lâches devant les intérêts de l’Eglise. Nous avons toujours laissé que les nôtres soient broyés devant des injustices qui pouvaient ne pas tenir.
Nous avons pleuré un Évêque dont le corps a été repris du fond des eaux d’un grand fleuve. Nous avons cru montrer que nous l’aimions en faisant du tapage pendant les sermons, en accablant des personnes peut-être innocentes, en attribuant à d’autres sa mort. Mais, nous voici muets devant un prêtre en prison avant même que le juge n’ait rassemblé les mobiles de sa condamnation. Nous sommes tous indifferents. Nous ne disons rien à ce sujet durant nos sermons. Nous sommes complices de sa souffrance. Certains s’en rejouissent d’ailleurs. Or, s’il vient à mourir, nous irons prêcher la miséricorde sur sa tombe. Pauvres imposteurs que nous sommes !!!
Nous sommes des prélats insipides devant les égarements du peuple dont nous avons la charge. Nous sommes des prélats complices des injustices qui accablent même la Sainte Église dont nous sommes les prêtres. Nous sommes des prélats qui ne savent rien plaindre. Nous sommes un clergé qui n’a rien de différent à un parti unique : une intelligence cryptée.
Il nous coûte quoi de demander à ce que le confrère Émilien Messina comparaisse libre devant le juge ? Ne nous sentons pas souvent indignes de dire Dieu devant ce peuple qui a soif de justice et de bon témoignage ?
Ils sont tous muets en ce moment : les prêtres juristes, les prêtres moralistes, les prêtres historiens et les prêtres qui ont souvent aussi subi l’indifférence de l’Eglise devant leurs misères. C’est chacun qui a peur de prendre position de peur que son dossier ne soit sali et qu’il ne soit plus Évêque. Tout le monde deviendra-t-il évêque au Cameroun ? Nous n’avons même pas 30 diocèses mais chacun a peur de rater l’épiscopat.
C’est un clergé insipide que nous sommes. Cela ne peut pas arriver à un gendarme, à un magistrat, à un policier ou à un médecin de se voir humilier et violer dans ses droits civiques sans que son corps professionnel ne prenne instamment position pour le respect de ses droits.
Nous sommes devenus le clergé des tables pleines, des belles voitures, des enveloppes grasses et des promotions à attendre au point où la souffrance d’un des nôtres ne choque personne alors que la justice est à rendre.
Nous sommes tous indignes du Christ. À chaque fois que nous parlons en son nom, c’est de l’imposture : pure démagogie. Si personne n’accepte mourir pour une cause juste, c’est parce que personne dans nos rangs ne vaut rien.
Un clergé connecté sur les réseaux sociaux et appréciant les rondeurs des femmes, les dernières sorties de véhicules, les parcelles de terrain à acheter ou encore les fidèles à qui se rendre pour dire une messe et attendre une enveloppe gracieuse. C’est ce clergé là seul qui peut se taire quand un confrère est en train de croupir dans une prison sans savoir à quand justice lui sera rendue.
Reveillons-nous tous. Prenons conscience de notre rôle dans la société. Devenons des prophètes comme AMOS qui ont pris parti pour les malheureux, les pauvres, les nécessiteux et autres personnes qu’accablaient les injustices de ce monde.
Abbé Jean Armel Bissi, prêtre, enseignant de philosophie, diplômé de l’Ecole Normale Supérieure de Yaoundé, licencié en droit privé et en droit public, master en philosophie ( éthique et philosophie politique).
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