Cameroun – Hygiène, salubrité et assainissement : Hysacam explique toutes les différences entre les modèles camerounais et Rwanda.

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Afin de s’inspirer pleinement de l’expérience rwandaise en matière de ramassage des ordures ménagères, le Directeur des opérations de la société d’hygiène et de salubrité du Cameroun (Hysacam), monsieur Nguema, jette un pavé dans la marre, lors de la réunion du 24 août 2022 à Yaoundé.

De retour de cette récente mission à Kigali, nous présentons alors une comparaison des deux modèles, camerounais et rwandais, ainsi que les piliers du nouveau plan d’action de la société Hysacam. Alors, nous avons choisi de comparer le modèle Rwandais et Cameroun sur cinq points précis.

Le premier point c’est sur l’organisation. On voit qu’au Rwanda nous avons un système organisé, il y a l’omniprésence présence de l’autorité et les populations sont très disciplinées du fait civisme et du dialogue accentué entre les autorités et la population. Aussi on voit qu’ils ont des objectifs de collecte des déchets ambitieux, pratiquement au-dessus de 95% de ce qui est produit. Au Cameroun par contre le système est organisé, mais est perturbé par le non-respect des lois, comme vient de le relever le président directeur général du groupe Hysacam. Aussi, le désordre urbain et l’incivisme des populations plombe l’évolution des reformes. Les objectifs de collecte au Cameroun sont en dessous de 50%, confère l’appel d’offre qui a été lancé sur la ville de Yaoundé en 2018.
Le deuxième domaine que nous avons voulu comparer les deux systèmes, c’est le mode de collecte de déchets. Dans un premier cas, au Rwanda, la collecte se fait de porte à porte, une fois par semaine et en plus, le Rwanda tend aujourd’hui vers une collecte sélective des déchets. Au Cameroun, nous avons plusieurs modes de collecte, fonction de la taille des ordures. Soit le porte-à-porte, ou l’apport volontaire des ordures des ménages vers les Bacs à ordures, avec les fréquences quotidiennes de passage des camions dans les quartiers.


Le troisième élément sur lequel nous avons comparé les deux systèmes, c’est le mode de paiements. Il est direct par les ménages au Rwanda, alors qu’il est indirect au Cameroun à travers diverses taxes, comme la TDL et les droits d’assises. Au Cameroun, on peut noter cependant, l’inefficacité du mode de paiement direct. Les exemples d’Eneo et Camwater sont des exemples intéressants à cet effet.
Le quatrième aspect sur lequel nous avons regardé les deux systèmes, c’est le coût de la prestation de collecte des ordures. Lorsque nous étions au Rwanda, le maire nous a fait savoir que, la ville de Kigali c’est 410 000 ménages, qui payent entre 2 000 et 3 000 FCFA par mois. Nous avons fait le calcul, ça représente entre 30 000 FCFA et 50 000 FCFA par tonne de déchet. Avec une pré-collecte très réduite, puisque la bonne qualité de la voirie le permet et l’organisation des quartiers aussi. Par contre au Cameroun, dans les villes de Douala et de Yaoundé, le prix de la tonne tourne entre 10 000 FCFA et 15 000 FCFA pour la collecte et plus de 35 000 FCFA pour la pré-collecte, avec l’état des voiries que nous connaissions, assez dégradées.

Le dernier point sur lequel nous avons voulu comparer les deux systèmes, c’est le partenariat public-privé. Au Rwanda, on a choisi une politique d’émiettement avec les petites entreprises, qui sont encore peu professionnel à notre observation et qui appelle de ce système une forte action de régulation. Au Cameroun par contre, on a choisi une économie d’échelle, avec une grande entreprise professionnelle qui utilise des canaux adaptés et un personnel hautement qualifié.
Il va donc sans dire que, le model Rwanda donne des résultats satisfaisants, parce que des ressources suffisantes y sont consacrées. Et que le système est assis sur un esprit de discipline partagé par tous. Ce modèle se rapproche d’ailleurs de ceux des pays où la gestion des déchets est mieux appréciée. Par exemple pour la France en 2019, la dépense de la gestion des déchets, à savoir les investissements, les frais de la collecte du tri et du traitement des déchets, ainsi que le nettoyage des rues, a atteint les 20,6 milliards d’euros, soit à peu près 13 000 milliards de FCFA. Nous sommes en 2019, et c’est le service de données et d’études statistiques français qui nous donne cette information.
Notre plan d’action à Hysacam
Pour capitaliser la mission de Kigali à laquelle notre entreprise a participé, notre plan d’action veut privilégier les axes favorables et pertinents dans l’environnement Camerounais.

Le premier c’est la sensibilisation et les sanctions. Le gouvernement Rwandais a usé d’une forte sensibilisation des populations depuis 2012, afin de les faire intégrer les habitudes citadines, des sanctions ont été mises en place et appliquées par tout le monde, à tous les niveaux. Au Cameroun, les effets du désordre urbain sont récurrents et plombent la bonne continuité du service public de collecte des déchets. Pour accompagner les mairies, Hysacam compte diffuser le programme des collectes dans les quartiers, afin que les populations sortent les déchets aux passages des Camions.
A moyen terme, nous avons développé une application digitale citoyenne, qui permettra à l’usager de suivre en temps réel l’arrivée du camion dans son quartier. Mais, la mise en œuvre par les mairies des sanctions aux contrevenants, l’appropriation par les ménages du concept de poubelle pour conditionner les déchets à domicile, avant les passages des camions, sont à notre avis, des préalables pour l’efficacité de cette stratégie.
Nous allons mobiliser nos personnels pour plus de professionnalisme et de proactivité dans la prise en compte des préoccupations des maires, notamment pour toutes ces zones pilotes qui ont été définies. Dans les délais, nous allons nous y atteler particulièrement.

Le deuxième axe c’est l’amélioration du taux de couverture des villes. L’enveloppe allouée à la collecte des déchets n’est pas suffisante aujourd’hui pour garantir des villes propres. Une étude de la communauté Urbaine de Yaoundé montre d’ailleurs que l’enveloppe actuelle couvre moins de 50% des besoins de la ville. Et j’ai cité tout à l’heure les termes des références de l’appel d’offre du 27 décembre 2017. Dans cet appel d’offre, la communauté Urbaine de Yaoundé projetait collecter un peu moins de 50% des ordures ménagères et des déchets de commerces dans la ville de Yaoundé. De ce fait, une bonne quantité de déchets reste donc dans la ville de Yaoundé et déteint sur la l’image de la ville et sur la qualité de l’environnement.

Le relèvement de l’enveloppe de la gestion des déchets à 95% de la production journalière, comme au Rwanda, dans la structuration des marchés pour des contrats de nos grandes villes, Douala et Yaoundé, débouchera certainement vers une gestion plus efficiente de la propreté de ces villes.
Notre troisième axe, c’est l’aménagement du centre de transfert, pour prendre en compte l’étalement de nos grandes villes et les embouteillages chroniques, il est important aujourd’hui de créer des pôles de rupture de charges. Ces centres de transfert permettraient également de réaliser des économies d’échelle. À Douala, c’est une action qui est en cours à Bonabéri et Youpouè, où deux centres de transfert sont en construction. À Edéa aussi, un centre de transfert est en cours de réaménagement. À Yaoundé l’amélioration de la collecte passe par la création et l’aménagement de centres de transfert. Y faisant suite, Hysacam va repenser son système en accentuant le travail de nuit et la collecte dans quartiers éloignés du centre de traitement des déchets.

Au quatrième axe sur lequel nous voulons nous attarder, c’est la structuration ordonnée de la pré-collecte. Tous les maillons de la chaîne de la gestion de déchets doivent être bien structurés pour garantir la propreté de nos villes. Ainsi l’efficacité de la pré-collecte suppose au préalable, une bonne circonscription des zones des pré-collecte et des points de regroupement de déchets qui seront aménagés par les mairies. En collaboration avec ces mairies, Hysacam va prendre en charge les produits de la pré-collecte de façon plus efficace et coordonnée, avec les entreprises et les organismes de la société civile engagés dans cette pré-collecte.

Le cinquième axe sur lequel nous voulons nous attarder, c’est l’amélioration du système de traitement et de valorisation des déchets. La discipline des populations Rwandaises permet aujourd’hui, de mettre en place la collecte sélective depuis les ménages et par conséquent, de présenter les déchets dans un état plus favorable au tri et la valorisation d’une part ; d’autre part l’Etat Rwandais consent des efforts financiers importants dans la construction des sites futuristes pour le traitement et la valorisation des déchets. Ces centres sont ensuite cédés à des entreprises privées pour leur gestion. C’est pourquoi il convient d’intégrer le tri et la valorisation des déchets dans la conception des nouveaux contrats pour entrer définitivement dans le concept d’économie circulaire.
Notre sixième action, repose sur le payement régulier et à temps du service de collecte. Le modèle Rwandais garanti les moyens financiers mensuellement par prélèvements directs auprès des ménages, ce qui permet aux entreprises d’assurer un fonctionnement régulier sans perturbations de prestations car, elles peuvent tenir leurs engagements. Le modèle camerounais de financement de la gestion des déchets quant à lui s’appuie sur le payement indirect, à travers les taxes. Cette solution connaît quelques perturbations du fait de l’insuffisance de l’enveloppe et des retards dans le déblocage des fonds collectés. Le relèvement des droits d’assises à 2%, permettrait d’avoir une enveloppe suffisante pour porter la couverture des villes à plus de 90%, afin d’assoir un système de gestion efficace. Le maintien d’un guichet central de payements, notamment au ministère des Finances, permettrait également de réduire les délais de traitement.
Enfin Madame le ministre, nous pensons qu’il faudrait mener une étude sur le coût de gestion des déchets au Cameroun. Le gouvernement Rwandais à travers son autorité de régulation des services de base, dont-on nous a tant parlé à Kigali, a mené une étude sur le coût de gestion de collecte de déchets à Kigali notamment. Ceci lui a permis aujourd’hui de fixer le montant à payer mensuellement, par ménage et suivant les quartiers de la ville. Ainsi, Kigali qui compte plus de 400 000 ménages, qui payent chacun entre 2 000 FCFA et 3 000 FCFA par mois, peut alors réduire ses charges d’au moins 8 Milliards de FCFA par mois. Pour faire le parallèle, Yaoundé c’est 2,5 fois ou 3 fois la ville de Kigali. Si on pouvait au moins mobiliser le même montant. C’est pourquoi nous pensons qu’au Cameroun, une telle étude est nécessaire pour mettre de la transparence dans ce domaine de la gestion des déchets, afin d’atténuer toutes les suspicions qui règnent actuellement dans les esprits des uns et des autres.
Propos recueillis par Samuel Bondjock

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